Et ça, c’est sans compter tous les animaux
sauvages qu’on y a vus. La première fois que tu vois un panneau de signalisation
jaune avec un symbole de bison et « 90 km » écrit en dessous, tu te
dis qu’ils doivent exagérer afin que nous, pauvres touristes stupides qui ne
connaissent pas la région, soyons plus vigilants dans les courbes et qu’on
ralentisse un peu de façon générale. Puis, tu vois un gros tas de poils brun
couché dans l’herbe au loin, et plus tu te rapproches, plus tu te dis que ça ne
peut pas être autre chose qu’un bison avec sa grosse bosse dans le dos et ses
cornes sur le crâne. BEIN OUI, c’est un BISON ! Et il n’est pas
seul ! Il est accompagné de tous ses amis (peut-être une dizaine) qui
broutent l’herbe autour. Et après tu penses « C’est exceptionnel !
Nous avons vu des bisons ! Quelle chance ! », et plus tu
avances, moins tu attribues ça à de la chance, car des troupeaux de bisons, tu
en vois vraiment sur 90 km (honte à moi d'avoir douté de toi, panneau de signalisation). Tu en vois
qui marchent l’un derrière l’autre sur l’accotement, tu en vois qui sont couchés
dans la neige, d’autres plus solitaires broutant sans amis sur le bord de la forêt.
Moi qui suis une maniaque des animaux sauvages (je soupçonne même que ce soit rendu au stade pathologique), je ne tenais plus en place, hallucinant des bêtes à chaque
tournant, qu’elles soient présentes ou non. J’ai aussi dû ralentir une fois
pour laisser traverser un lynx du Canada... depuis que j’ai mon permis de
conduire, je pense que c’est la première fois que je ralentis pour cette raison.
Bon on va lâcher les bisons et revenir au
Yukon en soit.
Quand nous avons passé le panneau
« Welcome to the Yukon », je ne voyais soudainement plus les choses
de la même façon. Comme si de « touriste », j’étais passée à un autre
état, l’état de « citoyenne », avec tout le sentiment d’appartenance
que ça implique. Tout ce que je voyais m’épatait encore plus, par le seul fait
que ce serait désormais mon environnement immédiat. Que je pouvais me dire
« on reviendra ici cet été en camping », ou « on viendra faire
du canot sur ce lac une journée ». Car même à 250 km de Whitehorse – je
vous rappelle que c’est la distance Québec/Montréal – on était encore à
serpenter à travers les montagnes aux sommets blancs avec des points de vue
sensationnels, et plus on se rapprochait de la ville, plus on se disait
« voyons don… on va avoir accès à ces montagnes aussi près de chez nous??? » ;
et à un certain point tu réalises que non seulement tu vas pouvoir conduire
jusque là, mais tu pourrais aussi prendre ton vélo et aller jusque là (avec
quelques mois d’entraînement…)
En même temps, j’ai ressenti un extrême bien-être.
Une fierté d’être partie et d’avoir choisi ce territoire pour m’installer, ce
territoire qui me surprenait encore malgré toutes les photos et la
documentation que j’avais pu consulter dans la dernière année à ce sujet. Je me
sentais déjà chez-moi, dans l’immensité de ce territoire sauvage et libre.
Je pense que c’est à partir de Fort St John au
nord de la Colombie-Britannique que nous avons commencé à ressentir
« l’esprit du nord ». Je m’explique.
Tu arrives au Subway de Fort St John à 3h de
l’après-midi, et tu cherches désespérément une connexion internet pour savoir
s’il y a des motels à Watson Lake, le prochain village, soit 550 km plus loin ( !).
Cette information est cruciale pour toi, car si la réponse est positive, ça te
permettrait de « clancher » ce 550 km dès aujourd’hui, dormir à
Watson Lake, et arriver plus tôt le lendemain à Whitehorse, ce qui n'était pas le plan initial. Tu souhaites donc
que la madame du Subway te dise qu’il y a une connexion Wifi. En bon citadin de
grande ville, quelle question poseras-tu à la madame du Subway? Évidemment, tu poseras la question :
« Is there a wifi connexion here ? »
et tu auras la réponse que tu t’attendais et
qui ne fait pas ton affaire :
« No, unfortunately we don’t. »
Malheureusement, tu as posé la mauvaise
question, alors c’est pour ça que tu es encore pogné tout seul avec ton problème. Tu
as fait l’erreur d’envisager une seule façon d’obtenir l’information, et de
poser la question spécifique qui te mènerait à ce moyen. Il faut donc changer
de stratégie :
- We would like to know if there are some
hotels in Watson Lake ? »
Et tu obtiendras ceci:
- Sure there are ! Hey John (s’adressant
au client qui attendait derrière nous) ! They want to know if there are
some hotels in Watson Lake. (puis se retournant vers nous) John is from Watson
Lake so he might better know. »
John : - Yes sure, you will find easily
at this period of the year. You can go to Big Horn Hotel. It is clean and the
beds are comfortables, and that’s what you want ! »
On a donc abouti au Big Horn Hotel de John,
qui était effectivement propre et confortable, même si les animaux étaient permis dans les chambres (lire odeur de Febreeze en sus). Merci John.
Ici, il faut donc penser que tout le monde se
connaît et que tout le monde est prêt à t’aider, mais il faut seulement s’ouvrir
aux gens et leur dire vraiment ce qu’on cherche. Les gens du nord sont
extrêmement accueillants, te demandant d’où tu viens, s’intéressant à ce que tu
viens faire au Yukon et te souhaitant toujours bonne route et « drive
safely ». Moi, les seules personnes jusqu’à maintenant qui m’ont dit
d’être prudente sur la route, ce sont ma mère et ma belle-mère. Jamais un
employé de dépanneur m’a lancé ça après que j’aie payé mon essence. Cette
attitude conviviale des gens d’ici m’a rapidement charmée.
Attendez, tout n’est pas que rose ! Pour
la personne sensibilisée à l’environnement que je suis, voir des gens démarrer
leur camion 15 minutes avant d’entrer dedans (quand il fait seulement -10,
alors SVP ne m’amenez pas l’argument de « c’est mieux pour la mécanique de
réchauffer l’huile avant de partir »), et bien ça fait mal. Et c’est une
pratique assez répandue et acceptée ici, alors il faudra s’habituer. J’ai envie
de commencer de la sensibilisation en mettant un collant « Je coupe le moteur
quand je ne roule pas » (il doit bien y avoir une version anglaise…) mais
je ne sais pas à quel point je serais bien reçue. À Whitehorse, il y a beaucoup
de commerces qui offrent des branchements électriques pour chaque stationnement
afin qu’on puisse brancher le chauffe-moteur et pouvoir repartir après sans
soucis quand il fait -35, ce qui évite de laisser ta voiture fonctionner pendant que tu es au
bureau de poste ( !). Malheureusement, ce n’est pas tous les commerces qui
en ont, donc peut-être qu’un jour, j’irai à l’épicerie et mon moteur tournera
pendant 40 minutes alors qu’il n’y a personne dedans. ARK !
Dernière anecdote pour terminer mon point de
« l’esprit du nord » ; en arrivant à Whitehorse notre voiture mourrait
d’envie de se faire laver après ses 6618 km à se prendre des saloperies dans
la gueule. Par chance, personne n’a écrit « Lavez-moi » sur la vitre
arrière alors qu’on était absents, car si ça avait été le cas, j'aurais pu écrire
dans cette chronique "c’était tellement drôle la fois où un individu
inconnu a personnifié notre voiture en écrivant lavez-moi dans la vitre arrière ! Ha Ha Ha ce qu’on a ri cette
fois-là !"
Bon oui alors nous avons trouvé un lave-auto
non-automatique, c’est-à-dire que c’est toi qui doit le laver toi-même. À notre
arrivée, il n’y avait qu’une Corolla devant nous, alors on s’est dit cool ce ne
sera pas trop long avant de passer (encore le citadin de grande ville qui veut
optimiser son temps). La personne dans la Corolla était une petite dame âgée d’environ
70 ans qui était on ne peut plus méticuleuse sur le lavage de sa voiture. Le
fait que nous soyons 4 voitures à attendre derrière ne semblait pas être une
variable qui influençait son comportement de toute évidence, car elle a même
pris le temps de SÉCHER sa voiture avec une petite serviette, repassant à 2
reprises pour s’assurer que tout était bien sec. Les deux seules personnes à
faire des aller-retour de leur voiture à la vitre de la porte à toutes les deux
minutes pour voir si la madame achevait son nettoyage méticuleux, c’étaient nous.
Les autre personnes derrière nous ? Bein relaxes, assises dans leurs
camions (car ici les gens ont des camions ou des VUS, très peu ont des
voitures), écoutant la radio ou simplement attendant patiemment, le moteur
allumé biensûr ( :P) Avec un regard extérieur sur la situation, je me dis
après coup que nous avons peut-être paru très impolis d’aller se pointer la
face dans la vitre de la porte 5-6 fois afin de bien montrer notre impatience à
cette pauvre dame. Après tout, on était dimanche, il n’y avait pas le feu, il
faisait beau dehors, et on aurait pu simplement relaxer, nous aussi (mais avec
le moteur coupé). Le citadin devra se calmer.
Encore une fois, je m’aperçois que cette
chronique est beaucoup trop longue que ce que j’avais planifié au départ, et j’espère
ne pas vous avoir perdu au passage. Si oui, et bien ce sera comme la sélection
naturelle, les meilleurs resteront jusqu’à la fin :P Hahaha ! Désolée
pour cet humour noir, il était trop facile.
S.
P.S: Je vous laisse avec ces montage vidéo que j'ai enfin terminés! Le premier étant la route Qc-Whitehorse, le 2e un spécial animaux :)
P.S: Je vous laisse avec ces montage vidéo que j'ai enfin terminés! Le premier étant la route Qc-Whitehorse, le 2e un spécial animaux :)
Chère Sophie, il va falloir être plus zen lors du lavage d'auto, toi qui veut toujours régler les choses rapidement "pas de gnaisage" comme on dit. Je me rappelle quand tu as arrêté le traffic dans un centre d'achats pour qu'on sorte l'auto de notre stationnement, tu t'étais placée carrément devant l'auto pour qu'elle s'arrête et tu nous avais fait signe pour qu'on passe (comme un policier), j'en revenais pas! Très bon texte, pour moi c'est jamais trop long! On a l'impression d'être avec toi. XXX Man
RépondreSupprimerHahaha je ne me rappelais plus de ça!
RépondreSupprimerWow ! Superbe la vidéo avec les animaux. Ils ne sont vraiment pas peureux. Dire que Gérard capotait la semaine dernière car il a vu 6 chevreuils dans le sentier de raquettes l'autre côté de la rivière. Nous n'en avions pas vus de l'hiver. C'est bien agréable de te lire, et non, ce n'est pas trop long. Take care. Sylvie et Gérard. XXX
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