samedi 3 décembre 2016

Ma vie dans une tente prospecteur ou wall tent

Dans la dernière chronique je vous ai lancé au passage que j’habitais dans une tente prospecteur (wall tent en anglais). C’était pas des jokes ! Nous sommes emménagés au début octobre et y sommes toujours !
 
Commençons par le début : qu’est-ce qu’une tente prospecteur ?
Une tente prospecteur est une tente en toile avec des murs, un toit, un trou pour la cheminée et une fermeture éclair en guise de porte. La différence avec une tente standard, c’est qu’on peut être debout à l’intérieur, que c’est beaucoup plus grand (la nôtre est environ 16 x 16 pieds si je me rappelle bien), qu’on peut la chauffer à l’aide d’un petit poêle à bois spécialement conçu pour ce type de tente, et que le matériel qui la constitue est beaucoup plus solide et durable. Une option intéressante pour un séjour de longue durée ! Par contre, il est beaucoup plus lourd et volumineux de transporter une tente prospecteur qu’une tente standard, et l’assemblage peut prendre 1-2 heures.
La charpente se construit à partir d’arbres. Il suffit de construire deux structures triangulaires à chaque bout, et y asseoir un arbre horizontalement entre les deux structures. Ensuite, on attache le toit de la tente sur la partie horizontale, et on tend les murs avec des cordes attachées à des arbres environnants. Et voilà ! En quelques heures, vous avez une maison! Pour une utilisation à plus long terme, il est toujours mieux d’installer une toile au-dessus du toit pour plus d’isolation, surtout en saison froide. Si vous avez accès à de la neige, on peut en entasser le long des murs extérieurs afin de réduire l’entrée d’air à l’intérieur de la tente.
Les tentes prospecteurs sont souvent utilisées dans les camps de base lors d’expédition lorsqu’on peut se permettre de les transporter, ou dans les camps de travailleurs ou chercheurs qui travaillent dans des régions inhabitées dans le nord, par exemple.
Pour plus d'isolation, ajouter une toile de protection
Mais puisqu’au Yukon, on aime bien ça le style de vie de bois, il n’est pas rare de voir des gens VIVRE dans des tentes prospecteurs à long terme. Les yourtes et les petits chalets de bois rond sont tout aussi populaires. Il suffit de connaître quelqu’un qui a un bout de terrain pour installer votre tente, et le tour est joué ! Avec un peu de chance, vous aurez peut-être accès à une extension électrique d’une maison qui est sur le même terrain, et vous voilà maintenant éclairé ! Quoi que l’été, l’éclairage n’est jamais un problème au Yukon – on a de la lumière presque toute la nuit !
L’intérieur de la tente peut contenir pas mal de choses, tout est une question de gestion de l’espace. Nous avons un lit double, deux tables (une pour manger, l’autre pour cuisiner), un meuble pour les vêtements, deux petites étagères pour le rangement, et le poêle à bois. Il faut considérer que l’espace le long des murs est plus ou moins utilisable pour les tâches debout, étant donné l’angle du toit. C’est pourquoi nous avons décidé d’en faire de l’espace de rangement d’y mettre des meubles dont on n’a pas besoin d’être debout pour les utiliser (ex : lit ou table à manger !)
Intérieur de la tente
L’idée d’identifier les biens qui sont essentiels de ceux qui ne le sont pas fut un excellent exercice en soit, dans une société où la consommation est maximale. J’ai vendu beaucoup de choses avant de déménager dans la tente, mais je dois admettre que beaucoup d’autres choses sont encore entreposées dans mon ancien appartement (d’ailleurs je remercie mes colocs d’avoir accepté de garder mes choses en attendant que je termine ce projet de vie dans les bois !), chez ma belle-mère ou même dans mon char… Mais, cela dit, j’ai tout de même dû déterminé quels sont les biens que je devais entreposer et ceux que je devais nécessairement emmené à la tente. Je ne vous mentirai pas  - j’ai dû retourné de multiple fois à mon ancien appartement pour aller chercher des choses que j’avais oubliées ou ramené des choses que je n’utilisais pas autant que j’aurais pensé. Mais bon, ça fait partie du processus d’apprentissage. J’ai une grande admiration pour les gens qui prennent la décision de se débarrasser de leurs choses pour de vrai sans entreposer rien et vivent ce style de vie à long terme, car ce n’est pas quelque chose qui est nécessairement facile à faire.
Maintenant qu’on a déterminé l’essentiel, il faut maintenant identifier les choses qui doivent essentiellement être à l’intérieur la tente de celles qui peuvent demeurer à l’extérieur. Avec un espace si restreint, on ne peut pas se permettre d’avoir deux paires de bottes chacun à l’intérieur, ou d’entreposer tout notre matériel de plein air dans la tente. Nous avons acheté des gros bacs de plastique et entreposons beaucoup de choses à l’extérieur. Par exemple, est-ce que j’ai besoin que tous mes vêtements soient dans la tente ? Non. J’ai quelques paires de combines et de chandails que je porte pas mal tous les jours (hahaha, on oublie l’idée de laver notre linge à chaque 1-2 utilisations ici !). Mes vêtements « de ville » comme je les appelle (jeans, chandails « propres » et autres) sont dans un bac à l’extérieur. « Ouin ça doit pas être chaud quand tu les mets ! » vous vous dites. Avec un peu de planification mentale, vous pouvez certainement imaginer que c’est possible de prendre mes vêtements du bac quelques minutes à l’avance et les laisser réchauffer près du poêle avant de les enfiler. « Ha bein oui, c’est vrai. » C’est ce qui est intéressant avec ce style de vie, de requestionner toutes les choses qu’on fait d’une certaine façon depuis qu’on est petits, mais qui pourraient très bien être faites d’une autre façon quand on y pense bien. Mon auto contient aussi une quantité significative de « biens de ville » comme des bottes fancy ou des manteaux « propres » qui ne sentent pas le feu. Alors quand j’arrive en ville, je me métamorphose comme Cendrillon avant d’aller au bal.
Mais revenons au sujet! En bout de ligne, un coup que cet exercice de triage fut terminé, je me suis rendue compte que d’avoir moins de choses en général est beaucoup plus simple à gérer au quotidien. Faire le ménage de la tente prend environ 5 minutes : remettre les choses où elles vont (car chaque chose a sa place ou son crochet !), secouer les 3 tapis, balayer le plancher, faire la vaisselle, passer le balai, et voilà, on peut relaxer. Choisir mon linge le matin ? Pas vraiment compliqué, j’ai juste 2-3 options par moitié de corps, et souvent ce sera guidé par le thermomètre (froid = polar, chaud = laine mérino mince).  
C’est bien beau tout ça, mais il faut répondre aux besoins essentiels
Boire, se nourrir, faire ses « besoins », se laver (quoi que… ce n’est pas vraiment essentiel quand on y repense bien...) – comment répondre à tout ça !? 

Gestion de l’eau: tu iras su’ Canadian Tire, achète 2-3 cruches de 20 litres, remplie-les chez tes amis quand tu vas en ville ou ailleurs où ils ont de l’eau potable. Done. Quand tu quitteras la tente pour quelques heures, n’oublie pas de mettre un sac de couchage autour de ta cruche d’eau pour éviter que ça gèle. Pour les eaux usées, garde-toi une grosse chaudière que tu videras tous les jours dans un trou pas loin de ta tente : creuse un trou d’environ 1-2 mètre près de la tente pour disposer des eaux usées et minimiser l’impact sur l’environnement. Avec deux cruches de 20 litres d’eau, on peut durer environ 3-4 jours si on fait attention. C’est quoi « faire attention » ? Bien, par exemple, on fait la vaisselle juste une fois par jour pour minimiser la consommation d’eau, on se met un petit bassin d’eau pour se laver les mains au lieu de prendre de la nouvelle eau à chaque fois, on ne mange pas trop de pâtes parce que ça prend beaucoup d’eau pour la cuisson. C’est fou après, quand on pense qu’on prend autant d’eau en 3-4 jours qu’en une demi-journée lorsqu’on habitait en ville, juste en flushant la toilette et prenant une douche ! Ça remet les choses en perspective. 
Manger et entreposer la nourriture : en même temps que tu iras acheter  tes cruches d’eau, prends aussi quelques bacs de plastique AVEC DES ATTACHES SOLIDES POUR SÉCURISER LE COUVERT !! TRES IMPORTANT! Les écureuils pis les souris, ça peut rentrer en dessous de la tente. Si tu prends des couverts sans attaches, tu peux être sûr qu’ils vont se gâter ! On est chanceux, à date, on n’a pas eu de rongeurs dans la tente car on tient ça propre et on ne laisse pas de nourriture trainer quand on est absents, mais c’est assez courant que les gens ont affaire à ce genre de problème dans ce type d’installation !
Si on parle de la préparation de bouffe en tant que telle, les petits poêles Coleman font un excellent travail pour cuisiner – juste à connecter une bonne vieille bonbonne de propane BBQ et tu pourras faire plusieurs semaines sans remplir la bonbonne !
Oh et aussi… entrepose tout ce que tu veux pas qui gèle dans des Coolers… Parce qu’à un moment donné, tu resteras pas dans ta tente 24h sur 24, et oui il va faire -10 en dedans si personne chauffe le poêle, et oui tes tomates et tes concombres vont geler, et quand tu viendras pour faire ta salade pour le souper, ils vont être tout dégueu. T’auras appris ta leçon ce jour là ! Tsé, des coolers, la magie de ça, c’est que ça marche dans les deux sens. Ça garde le stock froid à l’intérieur quand il fait chaud l’été, mais ça garde aussi le stock chaud à l’intérieur quand il fait froid l’hiver. T’avais jamais pensé à celle-là hen ?
Bécosse triangulaire sans porte
Faire ses besoins : avant que le sol gèle à l’automne, tu prendras une pelle, tu creuseras un trou d’environ 2 mètres de profond et 50 cm de diamètre, et tu mettras une belle bécosse par-dessus dont tu auras pris soin de coller du foam autour du siège pour le confort lors des journées froides. Pas besoin de porte, ça fait plus d’aération ! Dans notre cas, la bécosse est environ à 20 mètres de la tente – ça pas l’air loin de même mais quand tu veux juste aller faire pipi peut-être que tu le marcheras pas le 20 mètres. Alors on s’est marqué un « pee spot » juste à côté de la tente pour les #1. L’idée, c’est de ne pas pisser partout, parce que c’est pas super agréable habiter en quelque part où il y a du jaune partout sur la neige, alors en le concentrant à un seul endroit on préserve la beauté du paysage. Pour ceux qui ne sont pas à l’aise de faire pipi dehors l’hiver, vous allez vous habituer… C’est un peu froid mais après quelques jours on n’y pense même plus. Et pour ceux qui vont à la toilette la nuit, vous aurez droit à des beaux spectacles d’aurores boréales et d’étoiles filantes de temps en temps, alors moi je n’envie pas ceux qui ont une toilette intérieure et manquent ces moments magiques.
Creuser un trou pour la bécosse
Se laver : tu vas voir qu’il y a beaucoup de places que tu peux prendre ta douche sans payer (les complexes sportifs sont les plus évidents), et tu choisiras l’endroit que tu préfères avec le temps. À certains endroits, tu peux sélectionner la température de l’eau, et à certains tu ne peux pas. Certains ont des casiers pour t’assurer que tu ne te fais pas voler ton stock pendant que tu prends ta douche, d’autres non. Certains sont propres, certaines sont dégueu. Des fois ya des heures que c’est moins occupé, des heures où tu sais que les douches ont été nettoyées, à toi d’expérimenter. Toutes des choses que tu apprendras sur le tas… Je peux pas non plus toujours te prendre par la main tsé à un moment donné…
Tu apprendras à avoir un « sac de douche » où tu gardes une paire de gougounes, une serviette, ton shampoing et ton savon, quelques sous-vêtements propres et une brosses à cheveux. Je t’avertis d’avance, si tu gardes ton sac dans ton auto ou sur le plancher de la tente, tu feras peut-être face à un problème de savon/shampoing gelé un jour ou l’autre – un problème que seuls tes amis qui vivent dans une yourte ou une tente comprendront. Si tu es assez organisé, essaie de réchauffer tes bouteilles un peu à l’avance. 
Faire son lavage : retour aux souvenirs de Cégep à la bonne vieille buanderie – amène ton savon, ton petit change et quelque chose à faire pendant que t’attends que ton lavage se fasse. Aussi, tu rencontreras peut-être des gens un peu bizarres qui errent à la buanderie, alors attends-toi à sortir tes habiletés sociales, ou aie une bonne distraction qui t’empêche d’interagir (écouteurs dans les oreilles, livre par exemple). Dans mon cas, j’ai eu la chance d’avoir des amis qui m’offraient leurs machines à laver de temps en temps, alors je n’ai pas eu à fréquenter la buanderie tant que ça, good for me. Tu peux aussi opter pour l’option « lavage à la main » un coup mal pris pour les sous-vêtements, et tu fais sécher ça à côté du poêle dans le temps de l’dire !
Se chauffer : tu apprendras à utiliser une scie mécanique de façon sécuritaire pour couper des arbres, et fendre du bois à l’aide d’une hache, toutes des habiletés qu’on n’a jamais eu à utiliser avec notre style de vie urbain ! Tu ne seras pas efficace au début et tu vas perdre beaucoup d’énergie pour rien, mais avec le temps tu vas améliorer ton ratio « nombre de coups donnés sur la bûche / fendre la bûche ».
Ensuite, tu amèneras les bûches et les pilleras dans un endroit protégé de la pluie et de la neige. Le poêle de la tente doit fonctionner non stop l’hiver pour garder une température intérieure au-dessus de 18 degrés, parce que la tente ne garde pas la chaleur longtemps. La nuit, je te conseille de ne pas t’emmitoufler trop chaudement dans tes couvertures car sinon tu ne sentiras pas l’intérieur de la tente devenir froid, donc tu laisseras le poêle s’éteindre complètement, et le matin il fera VRAIMENT froid et ce sera plus long à repartir le poêle que s’il y avait encore de la braise. L’idée, c’est de se lever quelques fois dans la nuit pour remettre du bois et maintenir le feu. Tu vas apprendre, tu vas voir… Laisse toujours quelques bûches près du poêle à l’intérieur pour les faire dégeler avant de les mettre dans le poêle, ça brûle pas mal mieux.
Aussi, petit truc 101 de poêle à bois… Nettoie ta cheminée à chaque 2-3 semaines. Juste un petit conseil pour éviter de te faire boucaner et aussi prévenir un feu de cheminée (!!!) Pas que ça nous est arrivé, une chance! Les cheminées des poêles de tente prospecteur sont beaucoup plus petites que des cheminées de maison, donc il faut nécessairement les nettoyer plus souvent. 
Communiquer : bon ça a l’air bin « wild » comme ça mon style de vie mais je dois admettre qu’on n’est pas totalement retirés de la civilisation. Nous vivons sur le terrain de mon beau-père en dehors de la ville (donc pas de voisins autour) mais le cellulaire rentre encore de façon intermittente (dépendant de la météo !) et il est encore possible de communiquer avec le monde extérieur ou même d’aller sur internet sur notre cellulaire, alors ce n’est pas si « sauvage » que ça peut paraître. Parfois, je souhaiterais presque que nous n’ayons pas accès au cellulaire afin de complètement décrocher de cette plaie, mais en même temps je ne pouvais pas vraiment me le permettre car je travaillais encore à ma clinique et devais gérer les appels de clients, répondre aux courriels, etc. Il faut aussi garder en tête que la vie continue et qu’à moins d’arrêter de travailler complètement, il est difficile de se couper complètement de communications et de vivre la vie des bois, surtout quand on possède une entreprise. 
Bon maintenant que vous êtes experts en tente prospecteur, vous vous dites « Mais c’est quoi l’idée d’aller se compliquer la vie à habiter dans un tel contexte… »
Ouin, pourquoi hen? 
Peut-être pour revenir à la base de qu’est-ce que c’est, vraiment, « vivre ». 
Pour se concentrer à répondre à nos besoins primaires. Arrêter de focusser sur nos problèmes et nos besoins secondaires, aux choses qu’on voudrait et qu’on n’a pas, et toutes les autres choses qui nous rendent pas nécessairement heureux mais qu’on continue à faire quand même pour des raisons absurdes (par exemple passer beaucoup trop de temps sur Facebook dans mon cas). Quand tu as du bois à fendre, de la bouffe à préparer, des chiens à faire courir (ça viendra dans une autre chronique sur le chien de traîneau, qui est notre principale occupation ces jours-ci !), heh bien t’as pas trop le temps de penser à c’est quoi la prochaine chose que je vais acheter ou qu’est-ce que je vais bien faire en fin de semaine, et pourquoi telle personne a pas répondu à mon courriel ou à mon texte. 
Pour apprendre de nouvelles choses, se prouver qu’on peut répondre à nos besoins sans toute la technologie et les bébelles qui tentent d’y répondre dans notre société standard. 
Pour vivre un autre style de vie, se déstabiliser, se surprendre.
Et la raison principale sera détaillée dans la prochaine chronique, mais pour vous donner un avant-goût… Très bientôt, nous partirons en traîneau à chien dans le fond des bois pour vivre dans un chalet pour 2-3 mois, à 50 km de la civilisation. Donc vivre dans la tente était pour nous une façon de s’immerger tranquillement dans ce mode de vie tout en entrainant les chiens pour cette aventure. Plus de détails à venir !
Mais, même après vous avoir donné toutes les raisons du monde, je vais être honnête : quand je passe quelques heures à tricoter une paire de mitaines avec une tisane au chaud dans ma tente prospecteur, je me demande bien qu’est-ce que ça prend de plus pour être heureux. 
S.


  


vendredi 18 novembre 2016

Après 3 ans et demi au Yukon


Après 3 ans et demi au Yukon

« Ah bein r’garde don la grand’ visite ! » que vous vous dites aujourd’hui en apercevant un nouveau billet sur mon blog. 

Ça fait vraiment longtemps que je ne vous ai pas donné de nouvelles. J’étais sûrement tombée aux oubliettes dans votre tête. « Elle est sûrement revenue au Québec » que vous vous êtes dit. Ou peut-être que vous ne vous disiez rien du tout, en fait. La vie continue, après tout. De toute façon, les blogs, c’est même plus à la mode. Tout le monde sait ça.

Heh bien me voici donc. Trois ans et demi après être déménagée au Yukon, j’y suis toujours. Plus que jamais.

C’est drôle, je relisais mon billet « Après 6 mois au Yukon », et je riais de voir à quel point les aspects de la vie yukonnaise que j’y traitais sont rendus tellement intrinsèques et communs pour moi. Tellement que je ne reconnais plus leur côté exotique. Et vous de penser « Bon il va falloir que j’aille relire ce billet-là pour comprendre ce qu’elle veut dire, c’est un peu chiant. » Bien c’est ça la vie, qu’est-ce que vous voulez. Des fois il faut travailler, et on ne peut pas avoir les choses toutes mâchées tout le temps (sur un ton de parent qui parle à son enfant de 5 ans). Bon me revoilà sarcastique – ça revient vite ces petites bêtes-là !

Mais là, ça fait deux paragraphes que vous lisez, et vous vous dites « Get to the point » ou en français « Accouche ! ». Peut-être que vous aurez à vous ajuster au Yukon Time un peu. Relaxez, grande respiration. Inspirez la paix, expirez la tension.

Qu’advient-t-il de moi, après 3 ans et demi au Yukon? Savez-vous quoi, j’ai le goût de faire une liste. Voir le billet « Après 6 mois au Yukon » concernant les avantages de faire une liste dans une chronique (voyez-vous, vous vous en sortirez pas… vous aurez à le lire, le maudit billet, un jour ou l’autre…)

Alors on y va…

- Je suis maintenant complètement bilingue. Le secret ? Travailler en anglais et…. Tomber en amour en anglais!

- Après 2 ans à travailler pour le gouvârnement, j’ai démarré mon entreprise et décidé de quitter la bureaucratie pour embrasser l’autonomie, même si c’était risqué. Vous ne pouvez même pas imaginer à quel point je me sens libre!! Et le meilleur de cette histoire, c’est que les affaires vont bien ! Ma bonne vieille philosophie de quitter la zone de confort pour pouvoir évoluer un peu plus qui revient – pour ceux qui ont lu les autres billets, vous allez me reconnaître.

- Cette autonomie que m’a procurée la pratique privée m’a permis de développer mes talents artistiques, parce que maintenant bin… j’ai beaucoup plus de temps libre car je travaille à temps partiel, comme la plupart des gens au Yukon. « Live first, work after », qu’ils disent. 
Figurez-vous donc que… je suis rendue une artiSS!!! Le Yukon a une scène artistique hyper développée et dynamique, et il faut croire que je me suis laissée entrainer. Comme auteure-compositrice-interprète, j’ai maintenant un démo professionnel à mon actif, j’ai remporté deux concours de musique francophones dans l’Ouest du Canada, je ferai l’ouverture du spectacle de Phlippe Brach en décembre, et… je participerai au Festival de Granby l’an prochain !! Ça roule, ça roule ! Un rêve qui devient réalité !
- Les bottes d’eau et les manteaux patchés avec du duck tape, c’est ma tenue de tous les jours et je m’en fous pas mal même quand je suis en ville, comme bien du monde ici. Ah, et je n’achète plus de linge neuf – vive les échanges de vêtements entre amies et les friperies! 

- J’ai réalisé que ne pas se laver à tous les jours, c’est pas la fin du monde. Même que c’est bon pour la peau – vous essayerez ça.

- Quand j’ai besoin de quelque chose, j’essaie toujours de trouver seconde main en premier. Et de toute façon, dans le Nord, c’est comme ça qu’on survit. Acheter tout en ligne et payer des frais de livraison astronomiques, ça revient cher à la longue. Vive le Whitehorse Buy and Sell  et Kijiji ! Tellement plus économique pour la même qualité, et en plus c’est beaucoup mieux pour la planète que d’encourager la consommation de biens neufs qui se retrouveront un jour ou l’autre dans les vidanges.

- C’est pas du vrai camping si ce n’est pas du camping sauvage. De un c’est bien plus beau, de deux ça coûte zéro pis une barre, et de trois tu as pas besoin de réserver. Qui a besoin d’une douche pis de l’eau potable quand t’as un lac pis un filtreur?

- Je sors maintenant avec un Yukonnais pure laine, un vrai de vrai qui m’a fait découvrir les aspects moins touristiques du Yukon. Je lui dois tellement, avec toutes les choses qu’il m’a apprises (i.e. 50% des éléments énumérées au dernier point de cette liste!) et les endroits incroyables qu’il m’a fait découvrir !   

Vélo de montagne à Grey Mountain
- Je pratique maintenant de nombreuses activités de plein air que je ne pratiquais pas avant, et chacune d’elle pourrait mériter une chronique en soit… le ski hors piste, l’escalade, le canot de rivière, le traîneau à chiens, le ski de patin, le vélo de montagne, la pêche, et bientôt la chasse (j’ai mon permis de chasse et de port d'arme, mais je n’y suis pas encore allée!)

Escalade

- Avec mon copain, j’habite présentement dans une tente prospecteur en dehors de la ville, à 40 km au sud de Whitehorse. Notre mission : entraîner les chiens de son père afin de passer 3 mois dans le fond des bois cet hiver, à 50 km de la route, et s’y rendre en traîneau à chien. L’expérience yukonnaise ultime ! Ne vous inquiétez pas, je lance ça de même, mais plus de détails viendront dans les prochaines chroniques…
Notre maison!

- Les grizzlis et les ours noirs, ça fait partie du paysage, et c’est pas plus grave que ça. Si tu fais du bruit, tu tiens ton campement propre et tu fais pas le con, « everything is gonna be alright » comme Bob disait. Quand je travaillais à l’hôpital, je recevais des courriels de la direction concernant des ours aperçus autour de l’hôpital dans les sentiers – bin oui, ça fait partie du genre de courriel que tu peux recevoir quand tu travailles au Yukon!

- J’ai joué au « Radio Bingo », posez pas de questions, il n’y a pas de réponse.

- Je sais pas ce que j’avais contre Air North dans le billet « Après 6 mois au Yukon » (et là vous vous dites « c’est beau on a compris, lâche le morceau, on va le lire ton maudit billet ». Wow, wow, pas besoin de vous fâcher…), mais Air North c’est la compagnie aérienne la plus dédiée au service à la clientèle que j’ai jamais rencontrée, c’est juste incomparable!! Deux bagages inclus en soute sans frais, un repas gratuit, un biscuit servi chaud en dessert, et un service impeccable. Qui a besoin de l’écran de TV avec les jeux pis les bébelles anyway ? Moi je suis vendue ! En plus, ils vont à Ottawa en vol direct (bah, juste un petit arrêt de 45 min à Yellowknife, ça se prend bien.)

- L’été, je peux compter sur les doigts de ma main les fins de semaine que je reste à la maison. Toujours dehors, toujours en camping.

- Mon char, je peux aussi l’appeler « entrepôt d’équipement de plein air ». Pis je suis pas la seule.

- Mes amis, ce sont tous des gens comme moi qui sont des fans de plein air. Alors c’est pas difficile de trouver du monde pour faire des activités autres que « faire des soupers » et « aller marcher en ville » ou « aller prendre une bière ou un café » (pas de jugement là ! Chacun son genre !)
Ski hors piste dans la White Pass à Feather Peak

- Depuis que je suis ici, j’ai appris à…: reculer un 4 roues avec un trailer, utiliser une scie mécanique, fendre du bois à la hache (mais aucunement efficace pour l’instant), pêcher du poisson et toutes les étapes avant de l’avoir dans l’assiette (le tuer, enlever les organes, faire les filets, l’apprêter, le faire cuire), tirer de la 22 sur une cible, changer mes pneus d’auto toute seule, faire un jardin et récolter des légumes, attacher mon canot sur le toit de mon auto sans aide, diriger un canot sur une rivière, mettre les harnais et attacher les chiens sur le traîneau ou le quatre roues, diriger les chiens de traîneau et les faire courir par moi-même, faire du pain maison à partir de « sourdough », assurer un grimpeur en escalade « top rope » (vraiment très débutant on s’entend), sécurité en terrain avalancheux et tous les tests/observations en montagne qui s’y rapportent, et je pourrais continuer comme ça pendant un bout.

Voilà. C’est tout pour le moment. Je vous reviens avec les détails de l’histoire de la tente prospecteur, du traîneau à chien pis de notre projet de cet hiver dans le bois. Je sais, ça faisait un peu précipité de même là… Mais là, vouliez-vous une liste exhaustive ou une liste à peu près ?? Non sérieusement, je vous donne plus de détails dans les prochaines chroniques, ça vaut la peine. Je voulais juste vous allécher un peu là, un p’tit « tease » comme on dit.

Allez, c’était bon de vous rejaser, mine de rien. 

Les blogs c’est peut-être démodé mais c’est tout autant thérapeutique. 

On reprend ça bientôt, je vous promets que la prochaine chronique ne s’appellera pas « Après 6 ans au Yukon » ;)

S.