samedi 1 février 2014

La première fois

Toute chose a une première fois.

J'ai récemment retrouvé mes écrits de voyage lorsque je suis partie pour la première fois en voyage toute seule. Allemagne, 2009. Bien que je fus partie pour seulement 3 semaines, voyager seule était pour moi un grand défi à relever. Quand l'amie qui était supposée venir avec moi a laissé tombé le projet, j'aurais pu me faire rembourser mon billet d'avion moyennant quelques frais, mais je ne l'ai pas fait.

En relisant mon carnet de voyage, j'ai trouvé intéressant de constater que les sentiments que je décrivais à l'époque avant de réaliser ce défi s'apparentent drôlement à ceux que j'ai ressentis avant de partir au Yukon.

Pour cette raison, vous voici dévoilé le Dimanche 3 mai 2009.

Dimanche, 3 mai 2009

Fred est venu me reconduire à l'aéroport par un temps ensoleillé vers 16h00. Mon vol est prévu pour 19h20 donc j'aurai le temps de relaxer à l'aérogare avant l'embarquement. Le coeur serré, je ferme la portière de la voiture et envoie la main à mon ami, sachant que c'est ici et maintenant que mon aventure en solo débute pour de bon. Je dépose mon gros sac sur mes épaules et repense à ce qu'indiquait la balance avant de partir: "30 lbs, c'est pas si pire!", m'étais-je dit. Finalement, 30 lbs, c'est quand même 30 lbs :P

Donc me voilà à l'aéroport devant l'inconnu. Je sais que pendant au moins 24h, je m'adresserai aux autres à des fins pratiques seulement, et en anglais de surcroît dès que j'aurai quitté Montréal. Bien que mon anglais soit fonctionnel, je ne peux pas me vanter de pouvoir philosopher en anglais ou avoir une vraie conversation fluide avec quelqu'un. Il faudra donc accepter que mes contacts sociaux se limitent à des conversations un peu plus superficielles que celles que j'ai normalement au Québec avec les gens que je rencontre. 

Je jette un coup d'oeil au panneau des départs et repère la zone de check in du vol T5806 en direction de Londres, et je vais déposer mon sac. À partir de là, mon stress s'envole et je deviens un robot qui suit de multiples indications pour se rendre du point A au point B. Je marche d'un pas décontracté, le coeur léger, sans personne pour me stresser ni s'interposer dans mes décisions.

À 18h30, je monte à bord du Thomas Cook Airline au siège 22C. L'avion est découpé en 2 rangées de 3 sièges chacune. Je suis au bord de l'allée, à côté d'un petit couple québécois drôlement stéréotypé. Elle attend son premier - de toute évidence - et se flatte l'abdomen fréquemment, relayé par Lui. Au décollage, Elle a le hublot et regarde le paysage aérien, les yeux grands écarquillés et un sourire aux lèvres (et la main sur l'abdomen, fallait-il vraiment le mentionner?). Lui se fout bien du décor montréalais vu d'en haut, il préfère contempler l'émerveillement de sa douce discrètement en souriant.

Je mets mes écouteurs au décollage, prenant soin d'attendre que les hôtesses de l'air aient bouclé leurs ceintures, car je sais que les "headphones are forbidden during the airplane takeoff Miss". Je choisis soigneusement les notes qui marqueront mon envol: Giver de Patrick Watson. Un sourire se dessine sur mon visage: libre!

Je tente de m'endormir, vainement. Les cervicalgies m'en empêchent. Le premier repas est servi: des patates rondes avec une maigre portion de boeuf et sauce brune, et des fèves trop cuites que je ne me risque pas à manger. Tout est emballé individuellement et sera probablement jetté aux ordures quand l'avion sera nettoyé à Londres. Mon côté environnemental s'en voit brusqué. Je ne fais pas de commentaires au personnel; commencer mon voyage en chiâlant n'est peut-être pas la meilleure des idées.

Par la suite, l'avion est enfin plongé dans le noir et je me surprend à dormir très superficiellement. Elle et Lui jouent aux cartes avec des étincelles dans les yeux pendant ce temps. Ça ne me surprendrait pas qu'il la laisse gagner pour ne pas la contrarier et risquer de créer un stress supplémentaire pour le bébé. Ils doivent être le genre à prendre des cours prénataux ensemble et avoir 10 000 bouquins sur la grossesse, des articles sur pourquoi c'est dangereux de manger des sushis quand t'es enceinte, etc. Arf, je sais que j'suis langue sale. Mais que voulez-vous, je suis seule, et j'ai juste ça à faire observer les gens et leur inventer une vie. Je sais je sais, c'est pas une raison vraiment valable. So what?

Ensuite vient le petit déjeûner; le soleil se lève au bout de l'aile et nous quittons l'océan vers les terres du Royaume Uni. L'atterrissage se passe bien, personne n'applaudit et je n'ose pas partir le bal.  Pauvre pilote; il doit se dire "ils sont bein plates eux autres à matin". Il est 7h lorsque je mets les pieds à Gatwick. Mon vol pour Munich est prévu pour 13h00; petit calcul rapide: il me reste 6h à glandouiller ici. Bah... anyways je ne suis pas pressée. J'ai salement besoin de dormir à l'horizontal! 

Je ramasse mon sac sur le tapis roulant (1er soulagement: mon sac n'est pas ailleurs qu'ici!) et je vais faire le tour de l'aéroport pour trouver l'endroit le plus confo pour grabatter. Je trouve un Starbuck Café avec des divans en modules où plusieurs y ont déjà établi leur quartier général pour la prévention des cernes. Il reste 2 modules libres donc je m'y rue avec empressement; pas de café pour l'instant, j'ai juste besoin de sommeil. Je m'étend sur mon oreiller  i.e. imperméable replié en boule, et comme couverture mon paréo. J'y sombre jusqu'à 9h15 sans manquer d'ouvrir l'oeil aux 15-20 minutes pour vérifier que mon habitat n'est pas menacé. Je pense aux hommes de caverne; ça devait pas être reposant dormir dans une grotte avec toutes sortes de créatures qui menacent de te bouffer à tout moment! Je suis reconnaissante d'être née à l'époque où la plus grande menace qui me guette est à la limite un pick-pocket. En y pensant bien, j'aime mieux un pick pocket qu'un lion affamé... T'as plus de chances de survivre, statistiquement.

Ensuite je me prend un Café Latté avec un muffin aux bleuets, et je suis fière de constater que j'ai pu commander sans me faire demander de répéter. Il faut dire que la commis ne semble pas trop British selon son accent, donc j'imagine qu'elle a eu plus de facilité à comprendre mon accent de québécois qui essaie de parler avec un accent américain avec plus ou moins de succès.

Je lis 1-2 chapitres de l'Avaleur de Sable de Stéphane Bourguignon, et ça me rend de bonne humeur. Ensuite vers 10h30 c'est l'heure du check in pour mon 2e vol vers Munich. J'me retape la même galère qu'à Montréal, mais avec des indications un peu moins claires et des British qui se forcent plus ou moins pour se faire comprendre.

Dans 20 minutes, je devrais savoir à quelle porte me rendre pour reprendre l'avion. On se rejase à Munich - quoi que le verbe "jaser" ici est pas mal unidirectionnel donc il en perd un peu sa pertinence...

By the way, la liberté, on y prend goût rapidement :)

S.

 La première fois qu'on relève un défi, le premier sentiment qui nous frappe est la peur. Puis, après les premiers pas, l'énergie et l'adrénaline vous frappent de plein fouet, et ensuite, il suffit de se laisser mener par la vague. Vivre chaque moment pour ce qu'il est, et l'apprécier. Et grandir.

Sachant cela, la prochaine fois que vous aurez peur de relever un défi, que ce soit une course à pied d'une distance que vous n'avez jamais faite auparavant, un voyage, un examen, un retour aux études, n'importe quoi qui vous sort de votre zone de confort, eh bien dites-vous que vous êtes seulement à quelques pas de vivre une expérience extrêmement enrichissante, quelle qu'elle soit. Quelques pas seulement... Ayez confiance et faites le pas ;)

S.